Le groupe s'engage dans le parcours des chablis . C'est d'abord la Sitelle torchepot qui se fait entendre avant de se laisser voir. Son chant puissant étonne pour un si petit oiseau. Incapable de se creuser une loge, elle utilise d'anciennes loges de pic dont elle aménage l'ouverture, en particulier, à l'aide de boue qu'elle travaille.
Des troncs morts, au sol, permettent d'observer des cavités peu profondes, où l'on n'engage que la main, que l'on distingue aisément des loges, beaucoup plus profondes, dans lesquelles on peut engager sans difficulté l'avant-bras. La loge photographiée ci-dessus, à l'origine, était située à plusieurs mètres au dessus du sol. Difficile de préciser s'il s'agit d'une loge de Pic épeiche ou d'une loge de Pic noir.
Des pics, à l’épique épopée du pic noir.Texte et dessin : Erik Laurent
C’est suite au travail remarquable, réalisé par l’équipe constituée de salariés et de bénévoles du GDEAM pour la contribution à l’actualisation de l’inventaire des Z.N.I.E.F.F, que le pic noir est entré dans l’actualité. Cet oiseau nous a été présenté lors de la réunion de l’assemblée générale, mais il avait déjà joué un rôle déterminant dans les actions contre l’urbanisation de la forêt du Touquet en 2009.
Il semble nécessaire d’en connaître un peu plus sur cet oiseau au parcours épique ainsi que sur les pics en général.
Les picidés...Les picidés constituent une famille dont les principaux représentants sont :
Le pic vert
Picus viridis, le pic épeiche
Dendrocopos major, le pic épeichette
Dendrocopos minor, le pic noir
Dryocopus martius.
Le torcol fourmilier (J
ynx torquilla) fait partie des picidés, cependant il ne creuse pas les troncs et réutilise les cavités des pics. Le dernier couple nicheur a été recensé en 1985 à Neûfchatel Hardelot dans un vieux chêne qui a été abattu (GON).
Le pic mar (
Dendrocopos medius) ainsi que le pic cendré (
Picus canus) peuvent exceptionnellement être observés dans notre région.
Les relations des pics avec les autres espèces...Les pics sont très "utiles" car les cavités qu’ils creusent sont réutilisées par d’autres espèces d’oiseaux ou de mammifères : chouette hulotte, torcol fourmilier, moineau friquet, pic épeichette, la sitelle torchepot qui en réajuste l’entrée en faisant de la « poterie », mais aussi les écureuils.
Par ailleurs les pics s’attaquent aux parasites du bois et empêchent donc ceux-ci de proliférer.
On peut citer l’Ips (ou scolyte) typographe, les larves de Capricorne, les fourmis charpentières (
Camponotus herculeanus) , le charançon de l’épicéa (
Pissodes picea).
Ces insectes sont eux mêmes "utiles" car en général ils s’attaquent aux arbres affaiblis, mal enracinés ou situés dans un sol peu favorable, ce qui opère une sélection naturelle.
Les pics s’attaquent aussi aux fourmilières les plus courantes, surtout le pic vert qui s’en est fait une spécialité.
Technologie de pointe chez les pics...Pour trouver sa nourriture et fabriquer son nid, le pic creuse le bois. Pour cela la nature l’a doté de tout un équipement digne d’une technologie de pointe (voir dessin). Ses pattes ont une disposition différente de la plupart des autres oiseaux, deux doigts vers l’avant, deux doigts vers l’arrière, munis de griffes acérées, cela lui permet de s’ancrer dans le bois des arbres de manière si sûre que l’oiseau peut même dormir dans cette situation, à l’intérieur de sa cavité. Enfin le rachis des rectrices est très rigide, cela constitue un troisième appui solide sur le tronc d’un arbre.
Il dispose d’un bec en forme de ciseau à bois et qui pousse continument, ce qui oblige l’oiseau à travailler chaque jour sous peine de se retrouver avec le nez de Pinocchio. Enfin l’outil le plus spectaculaire du pic est sa langue. En 2006 a été décerné un prix Nobel d’ornithologie pour une étude menée par Ivan Schwale de l’université Davis en Californie et Philip May de l’UCLA, sur le grand pic (
Dryocopus pileatus).
De ces travaux relatés par l’association avesnamur(2), il ressort que le pic est pourvu d’un crâne constitué d’os épais mais surtout spongieux au niveau de l’occiput et d’un cartilage à la base de la mandibule, pour amortir les coups.Le cerveau ne contient presque pas de liquide cérébrospinal afin de lui éviter les mouvements dans un espace sub-rachinoïde très petit. Une fine membrane (nictitant) recouvre l’œil juste avant l’impact, jouant le rôle de ceinture de sécurité et de protection contre les éclats de bois. Quand à la langue, ancrée dans la narine droite, elle fait le tour de la tête de l’oiseau après s’être divisée en deux parties, deux sangles qui jugulent le contenu du crâne et se rejoignent dans la cavité oro-pharyngéale pour former la langue. Elle se déroule à la manière d’un mètre ruban et son extrémité est équipée de nombreuses pointes en allure de harpons, de cette façon une larve ou un insecte perforé ne peut plus échapper à la longue langue du pic. .
Il faut dire que ce que le pic fait endurer à son organisme n’est pas de tout repos. Toute l’année le pic martèle, à raison d’une moyenne de 20 coups par seconde selon les espèces, il percute l’arbre à une vitesse de 20 à 40km/h, toujours selon les espèces.
Selon une étude relatée dans le journal La hulotte(3) , un tel impact aurait pour effet d’éjecter les globes oculaires de l’oiseau s’il n’était pas équipé de la membrane protectrice décrite précédemment.
Voyons maintenant la revue de détail des pics.
Le pic Epeiche Dendrocopos major
Côté étymologie, la dendrochronologie est l’étude de l'âge des arbres par les anneaux sur les coupes.« Copos » viendrait de coups selon certaines sources, cependant il n‘y a aucune corrélation dans le dictionnaire latin, je rapprocherais plutôt « copos » de cops-copis, qui signifie coutelas, cimeterre, en rapport avec le bec de l’oiseau. Major signifie grand.
Le dos est noir aux flancs blancs, le bas ventre rouge, la nuque rouge chez le mâle adulte, le croupion noir, la tâche jaune à la base du bec, sont autant d’indices visuels pour l’identifier. Mais ce que l’on repèrera bien avant c’est sa façon de marteler, c’est un tambourinage 15 à 20 coups par seconde, d’une durée inférieure à une seconde. Le printemps venu c’est une activité incessante dès le matin. Le tambourinage est le mode d’expression préféré du pic épeiche, pour démarquer son territoire ainsi que pour la parade nuptiale. Cependant il émet un chant de parade que l’on différencie du cri par la présence d’harmoniques dans le sonogramme (4). Le cri qui n’est constitué que d’un fondamental ressemble curieusement au bruit émis par ces petits jouets pour chiens sur lesquels il faut appuyer pour faire Pouic Pouic !!
Lorsque les petits sont nés, ils sont nidicoles et on peut les entendre pépier au hasard d’un passage sous un arbre creux, leurs cris ressemblent à ceux de l’adulte mais en très léger et en continu.
Le pic épeiche est le plus répandu des pics dans nos forêts. Sa multiplication aurait été favorisée par les plantations de résineux (Yeatman) (5). Si le pic épeiche est absent de certaines îles comme l’Islande, il a disparu d’Irlande au début du 12ème siècle et une demande de réintroduction a été faite en 2006 (LPO, l’oiseau mag) (6).
Le pic épeichette Dendrocopos minor
Plus petit (minor), de la taille d’un martin pêcheur, c’est le seul pic à crête rouge que l’on peut voir en hiver, en revanche le juvénile de pic épeiche a aussi une crête rouge au printemps. La femelle a, quant à elle, une crête jaune. Le dos est rayé de blanc et noir. Le pic épeichette se cantonne dans la canopée, il tambourine à 25 coups par seconde et plus longtemps que le pic épeiche, environ 1,5 seconde.
Curieusement l’atlas signale que la destruction des ormes par la graphiose a favorisé son développement jusqu’en fin 1970, ensuite il a décliné. Sans raison connue sa disparition est signalée dans le limousin (Yeatman) (5).
Le pic épeichette, trop petit, ne peut s’attaquer qu’aux arbres dans un état de décomposition avancée. Pour sa nidification il réutilise les cavités laissées libres par les plus grands pics.
Le pic vert Picus viridis
S’il se rencontre en forêt, en moindre effectif que le pic épeiche, le pic vert est surtout caractéristique des parcs et jardins urbains. Il tambourine peu et préfère nettement s’attaquer aux fourmilières qui y sont fréquentes. Son chant très caractéristique est très surprenant, c’est le fameux rire caricaturé de « Woody Woodpeaker » le personnage facétieux du dessin animé.
Un fort déclin a été constaté suite à la disparition des arbres fruitiers, des prairies et vergers et au développement des cultures intensives jusqu’au début des années 90. Puis il a commencé à profiter des parcs et jardins, y compris dans les zones industrielles ou tertiaires. Le pic vert est actuellement un très bel oiseau qui a su s’adapter à l’artificialisation et coloniser les villes pour peu que l’homme veuille bien lui laisser quelques espaces verts.
Le pic noir Dryocopus martius

Christian Maliverney www.oiseaux.net
Les dryades sont les nymphes des arbres, à rapprocher du grec druas, druades = chêne, ou du latin druidae= druide. Martius est en rapport avec Mars, dieu de la guerre, c’est certainement sa calotte rouge qui lui a valu cela, à moins que ce ne soit l’intensité digne de bruits de guerre, de ses martèlements, tant ils sont puissants, qui a imposé ce nom.
Cet oiseau est impossible à confondre, noir, avec une calotte rouge et de la taille d’une corneille. Pour l’anecdote, le n°50 de La hulotte (7) relate que sur la liste des espèces abattues lors d’une partie de chasse en 1982 avait été recensé un « corbeau à crête rouge » !!!!
Le chant du pic noir est très puissant avec des répétitions espacées, il rappelle un peu le cri de la chouette hulotte femelle. Le sonogramme (4) est d’ailleurs très similaire.
Le martèlement dure 1,5 à 3,5 secondes, très puissant, à 20 coups par seconde, il est plus grave que celui des autres pics. Son cri est un Kia ou Klieuuuuu puis un Kru Kru Kru caractéristique.
Le pic noir est surtout spectaculaire par ses sites de recherche de nourriture. Aucun autre pic ne peut faire un tel travail. Le tronc est littéralement « dépecé » de son écorce sur une grande longueur. En hiver dans le massif du Jura il est des marques qui ne laissent pas de doute, une surface de neige immaculée percée en profondeur pour atteindre une bille de bois, de ce puits jaillissent une multitude d’éclats de bois de plusieurs centimètres de long, pas de doute le pic noir était là et il reviendra.
D’après l’atlas du GON (1) cet oiseau farouche nous vient des taïga du grand nord, il a colonisé les forêts tempérées à la fin du 19ème siècle. Yeatman (5) signale une forte expansion fin 19ème début 20ème siècle dans l’histoire des oiseaux d’Europe. La carte publiée par La hulotte (8) dans le n°55 montre la forte expansion du pic noir d’Est vers l’Ouest entre 1973 et 1883.
Le pic noir était déjà présent dans le Pas-de-Calais en 1973, cependant même en 1983 il n’est signalé que présent et non nicheur. Aujourd’hui si la nidification du pic noir est avérée dans les relativement petites forêts du Pas-de-Calais, il ne faut pas oublier que cet oiseau farouche est très exigeant, il est donc indispensable de maintenir les conditions qui ont été favorables à son installation : un domaine forestier assez grand, sans dérangement et dans lequel ce que l’on appelle « l’entretien » reste modéré. Ce qui signifie qu’il est indispensable de laisser en l’état les arbres morts ou malades.
Le pic noir est un symbole emblématique de la forêt du Touquet, il est nécessaire d’œuvrer pour que ce bel oiseau ainsi que bien d’autres représentants plus discrets mais de toute aussi grande valeur biologique et patrimoniale se maintiennent malgré l’avancée de l’urbanisation.
Erik LAURENT
Bibliographie
(1).Atlas des oiseaux de la région Nord/Pas-de-Calais, effectifs et distribution des espèces nicheuses, période 1985-1995 GON 1996.
(2) Association avesnamur : document pdf
http://www.aves.be/files/manager/avesnamur/Compile_Pic_epeiche.pdf
(3) La hulotte n°82 2è semestre 2002.
(4) Guide des chants d’oiseaux d’Europe occidentale, André Bossus, François Charron, Delachaux&Niestlé 2003.
(5) Histoire des oiseaux d’Europe, L.J.Yeatman, Bordas 1971.
(6) LPO, l’oiseau mag n°75 avril mai juin 2004.
(7) La hulotte n°50 1er semestre 1982.
(8) La hulotte n°55 1er semestre 1985.
Pour les descriptions : Les oiseaux d’Europe, Lars Jonsson, Nathan 1998.
La photo de pic noir n'est pas libre de droit. Consultez les galeries de l'auteur :
http://christian.maliverney.oiseaux.net
http://album.oiseau-libre.net/Albums/Photographes/Christian-Maliverney.html
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